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Jacques Clauzel |
2003 Peinture acrylique sur papier kraft, griffures 80 x 59 cm 2004 Peinture acrylique sur papier kraft, griffures 160 x 106,6 cm |
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Il est très significatif de prêter attention à la façon dont Jacques Clauzel se sert des couleurs. De la couleur, devrait-on dire, car il n'a à sa disposition le plus souvent qu'un unique pot d'acrylique noir. Non pas l'acrylique des marchands de couleurs mais celui des marchands de peinture. Non l'acrylique préparé pour l'artiste mais celui des peintres en bâtiment. Ce dernier comporte une « charge » qui le rend plus épais et plus « couvrant ». Mais le peintre ici subvertit le médium. En effet, si l'on y tourne plus longuement la spatule pour assurer le mélange, celui-ci se fractionne, se dégrade. La charge épaisse, dépigmentée, presque blanche, se dépose. En surface se rassemble tout le noir disponible. Entre les deux, très liquide, le liant, du gris foncé au gris le plus clair, selon la profondeur. C'est dans cette situation de décomposition que Clauzel utilise l'acrylique. Il maîtrise ainsi l'épaisseur et la dilution. Le pinceau va très loin chercher les blancs. Les gris plus ou moins loin selon les valeurs désirées. Et ces gris seront toujours compris comme des noirs dénaturés et non des gris neutres. Il reste quand même que ces blancs profonds ont eu à traverser l'obscur et qu'ils en garderont une lividité. Celle peut-être de masques Punu du Gabon. Le peintre obtient, de la matière noire, des effets de calcination, des densités qui ne sont pas sans rappeler les noirs absolus de figures Mumuye. Ainsi, une peinture de Clauzel n'est-elle jamais une surface colorée. Elle est un lieu matériel et culturel dans lequel macère la peinture. L'efficacité de cet art est liée à un intense effort de simplicité. La simplicité n'est pas ce que l'on trouve d'abord. Elle est un point d'aboutissement. On la voit en art, comme une réorganisation a minima de la complexité. Du côté du regardeur, il est clair qu'avec les tous derniers travaux, que l'on pourrait appeler « les déplis », nous sommes nous-mêmes passés complètement d'un système perceptif visuel ordinaire, actif et spirituel à un système fondé sur une sorte de vue sentie réceptive et substantielle. La vue devient un organe du toucher à distance. Le gaufrage et le cannelage du carton ou la trace des plis en creux d'une boîte dépliée deviennent notre sensibilité neuve plus encore que des gonflements ou des creusements de l'espace des mouvements de l'âme. Pas de verbiage pictural. Tout compte. Tout devient cohérent et authentique. Le moindre accident, déchirure ou accroc. Cet art se voue à sauver l'insignifiant. Une légère éraflure révèle, avec la nécessité de sa forme, la dignité d'exister. |
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Maurice Benhamou Critique A.I.C.A. |
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